Au 19e siĂšcle, la photographie, câĂ©tait un art de flemmards et de plagieurs.
Appuyer sur un bouton pour quâune machine enregistre la rĂ©alitĂ© telle quelle? Pff, câest une ruse de feignasses qui ont la flemme dâapprendre la peinture Ă lâhuile.
Au dĂ©but du 20e siĂšcle, on a acceptĂ© la photographie en noir et blanc (et lâurinoir de Duchamp)âŠ
âŠmaaaaaaais pas la photo en couleurs.
Le comble du bon goĂ»t, câĂ©tait de sortir toutes sortes dâarguments plus farfelus les uns que les autres en faveur du monopole du noir et blanc : câest la tradition, câest plus Ă©lĂ©gant, ça capture plus de dĂ©tails, et patati, et patata.
Jâaurais pu remonter encore plus loin dans lâHistoire, parce que lâart a toujours Ă©tĂ© un puit sans fond de controverses toutes plus inutiles les unes que les autres.
HonnĂȘtement, je serais pas surprise si on dĂ©couvrait un jour que les humains prĂ©historiques sâentre-tuaient Ă propos de la taille du morceau de charbon Ă utiliser pour dessiner les mammouths.
Heureusement, au dĂ©but du 21e siĂšcle, on a enfin acceptĂ© que lâart Ă©tait une question dâidĂ©es, et pas de couleurs, de mĂ©diums, ou de technologâŠ
NAN jdéconne.
Art assisté par I.A. is the new photographie.
Et comme notre espĂšce est trop stupide pour tirer des leçons de sa propre Histoire, nous revoilĂ partis pour plusieurs annĂ©es de polĂ©miques avec les reins aussi solides quâun chĂąteau de sable dans une tornade.
Commençons donc le mois de septembre avec une image âproblĂ©matiqueâ apparue pendant lâĂ©tĂ©:
Il sâagit dâune couverture pour un magazine bulgare mettant en scĂšne la mannequin Lisa Opie.
Enfin, plus précisément:
Une version I.A. de Lisa Opie.
Comme beaucoup dâimages gĂ©nĂ©rĂ©es par IA et pas ou mal retouchĂ©es (on reviendra plus loin sur ce point), elle prĂ©sente un certain nombre dâimperfections.
La ceinture a l'air assez peu fonctionnelle.
Lâongle du pouce droit menace de se barrer.
Le design du haut de la tenue prĂ©sente une asymĂ©trie qui nâa rien de trĂšs flatteur.
Et pour ce qui est du dĂ©corâŠ
Disons juste que si je devais choisir entre ce scooter malformĂ© conduit par Capitaine Sam en personne et une voiture pilotĂ©e par un mec qui a plus dâalcool que de sang dans les veines, je ferais davantage confiance au vĂ©hicule qui ne ressemble pas au cousin des vĂ©hicules en plastique quâon offre aux jeunes enfants.
Ce genre-lĂ , oui. (ModĂšle de lâengin : Step2 Push Whisper Ride, par Toys and Garden)
Cette couverture de magazine est relativement moyenne. Ni catastrophique, ni excellente. Disons quâelle fait le taf auprĂšs de la majoritĂ© des gens qui la voient, comme lâa montrĂ© le dĂ©ferlement de rĂ©actions enthousiastes sur Instagram:
Dâun point de vue purement pratico-pratique, que ça nous plaise ou non, le fait est que câest une image qui atteint ses objectifs. Et donc, une bonne image.
Ceci Ă©tant dit, je comprendrais que le manque de soin apportĂ© au rĂ©sultat final puisse lui ĂȘtre reprochĂ©. Dâautant que les 20 minutes quâil a apparemment fallu pour gĂ©nĂ©rer cette image sont brandis comme un argument de vente, ce qui est, au mieux, un peu cringe, au pire, carrĂ©ment ridicule.
Sauf queâŠ
Câest pas ça qui embĂȘte les haters.
Ce qui est reprochĂ© Ă cette image, câest quâelle soit fausse, et quâelle manque de respect aux professionnels du monde de la mode (stylistes, coiffeurs, maquilleurs, et tutti quanti).
Les dĂ©bats Ă©thiques lancĂ©s sous couvert dâempathie, câest quand mĂȘme bien pratique. Comme ça consiste plus ou moins Ă faire des combats de coqs entre des opinions personnelles irrĂ©futables, personne ne gagne ni ne perd (mais tout le monde finit frustrĂ© et malheureux).
Enfin, puisquâon ne peut pas y Ă©chapper, jâaimerais quâon prenne deux minutes pour rĂ©flĂ©chir double standard et dissonance cognitive.
Si tu rejettes une image parce quâelle est âfausseâ, alors les images gĂ©nĂ©rĂ©es par I.A. ne sont que la surface de lâiceberg des trucs que tu dois dĂ©tester. Parce que si la notion de vĂ©ritĂ© est si importante pour toi, alors il nâexiste aucune (et je dis bien AUCUNE) image que tu puisses tolĂ©rer.
Il va de soi que les photos en couverture des magazines nâont rien de naturel. (Photoshop, tu te souviens?)
Il va de soi aussi que les films sont une sĂ©rie dâimages rĂ©organisĂ©es, retouchĂ©es, et agrĂ©mentĂ©es dâeffets spĂ©ciaux, tout ça dans le but de raconter une fiction.
Moins Ă©vident:
Les documentaires vulgarisent la rĂ©alitĂ© pour la rendre absorbable. Ils sont plus âvraisâ que les films, mais lĂ encore, ce nâest pas la vĂ©ritĂ©.
Et que dire de ta sale tronche sur ta carte dâidentitĂ©, sans commune mesure avec les selfies que tu prends en soirĂ©e. Dans les deux cas, il sâagit de constructions artificielles.
En fait, la moindre image que tu pourrais produire, que ce soit une illustration, une photo, ou autre, est un fragment de rĂ©alitĂ© qui est passĂ© au travers dâune multitude de filtres, que ce soit un Ă©clairage, un objectif dâappareil photo, ou encore, un circuit de neurones (naturels et/ou artificiels).
Une image nâest jamais LA vĂ©ritĂ©. Pas plus, dâailleurs, que le monde rĂ©el que lâon perçoit Ă travers nos sens⊠mais câest un autre problĂšme.
Quant au deuxiĂšme argument, âcâest mĂ©chant pour les coiffeurs / stylistes / maquilleursââŠ
Si câest que tu penses, alors jâespĂšre que tu nâutilises pas une alarme pour te rĂ©veiller le matin. Parce que câest Ă cause de gens comme toi que le mĂ©tier de ârĂ©veilleurâ a disparu, monstre!
JâespĂšre aussi que tu produis un max de dĂ©chets. Parce que bon, la mode du zĂ©ro dĂ©chets, câest bien gentil, mais faudrait quand mĂȘme pas oublier les pauvres Ă©boueurs qui gagnent leur vie en triant tes emballages.
Oh, et puis, pendant quâon y est:
Tu devrais arrĂȘter de faire la cuisine quand tu reçois du monde chez toi. Tu fais de la concurrence aux traiteurs et aux restaurateurs qui sont payĂ©s pour ce travail, et qui en plus, le feraient mieux que toi: quelle injustice!
Tu trouves ces exemples extrĂȘmes et absurdes? Tant mieux. Parce quâils le sont.
Du moment que câest lĂ©gal et quâils sont en paix avec leur propre conscience, les gens ont le droit de prĂ©fĂ©rer une option Ă une autre. Et si une option est massivement dĂ©laissĂ©e au profit dâune autre, elle disparaĂźt. Câest le principe de la dĂ©mocratie.
Si un magazine prĂ©fĂšre payer un abonnement Ă une IA plutĂŽt que les services de professionnels de la beautĂ© (ou un mix des deux), good for them. Câest leur droit.
De toute façon, en lâĂ©tat des choses, choisir de prendre parti pour ou contre lâutilisation de lâIA constitue un Ă©lĂ©ment de branding Ă part entiĂšre que les marques sont de plus en plus nombreuses Ă utiliser. Personnellement, je suis pour lâutilisation de lâIA, parce que je trouve que ce serait trop bĂȘte de sâen priver, mais sur le plan marketing, le positionnement inverse fonctionne aussi. Tout dĂ©pend du public visĂ©.
Au fond, la vraie question quâil faudrait se poser, ici, câest:
Combien de ressources faudrait-il investir pour polir un visuel, sachant que 80% des gens seront satisfaits des 20 premiers % (ou, en lâoccurrence: 20 minutes) dâefforts? Convaincre les 20% de personnes qui restent vaut-il le coup / coĂ»t?
Je vais te dire un truc:
Ăa aurait Ă©tĂ© facile de retravailler la couverture du numĂ©ro de juillet de Glamour Bulgaria jusquâĂ ne plus pouvoir discerner le vrai du faux. En fait, crois-le ou non, mais il y a plein de gens qui, actuellement, produisent en scred des designs Ă base dâimages gĂ©nĂ©rĂ©es par IA⊠Mais comme les excellentes images gĂ©nĂ©rĂ©s par IA sont trĂšs difficiles, voir impossibles Ă distinguer des ââââvraiesââââ, personne nâest choquĂ©.
Câest pour cette raison quâĂ titre personnel, je suis convaincue que lâutilisation dâune image qui a lâair gĂ©nĂ©rĂ©e par IA est un choix savamment calculĂ© de la part de Glamour Bulgaria. Non seulement ils y gagnent en temps et en argent, mais en plus, comme ils en parlent, les bien-pensants sâoffusquent. Donc les bien-pensants en parlent Ă leur tour, et ça fait de la pub qui remonte aux oreilles de ceux qui nâaiment pas les bien-pensants. Que demande le peuple ??
Le mot magique du jour
Quitte Ă verser dans le racolageâŠ
Jâai gĂ©nĂ©rĂ© ma propre photo de couverture de magazine de mode en 1 minute top chrono. Juste le temps de taper le prompt magazine cover, barbie doll --ar 4:5
et de laisser Midjourney bosser (en mode relax, ce qui veut dire que cette image mâa coĂ»tĂ© 0⏠à crĂ©er):
đ Toi aussi, tu veux apprendre Ă gĂ©nĂ©rer tes propres images comme par magie, mĂȘme sans connaissances artistiques ou informatiques? Checke ma formation sur Midjourney đ